Depuis quelques semaines, je suis le propriétaire d’un téléphone intelligent. D’un smartphone. Avant, je n’ai eu que des téléphones portables simples, ceux qui permettent surtout de téléphoner.
Mais là, je passe à la catégorie supérieure. Je mets le pied dans un monde plein de promesses. Dans ma main, je détiens un potentiel immense. Je peux, si je le veux, accéder à n’importe quelle information. Un pas de plus vers Dieu, grâce une technologie folle et invisible.
C’est fabuleux. Et pourtant, ce qui m’a le plus marqué dans ce téléphone n’a rien d’aussi grandiloquent. C’est un détail, un micro-ressenti, un effleurement de sensation, qui a disparu avant même que je me rende compte qu’elle était là.
La première fois que j’ai pris le téléphone dans ma main, j’ai caressé l’écran. J’ai bien aimé la sensation. Puis, d’instinct, mon pouce a pressé ce qui ressemblait au bouton de démarrage. Rien ne s’est passé. J’ai pressé un peu plus fort, un peu plus longtemps. J’ai attendu. J’ai senti une vibration. Puis l’écran s’est allumé, et toute mon attention s’est focalisée sur le trésor de technologie qui s’offrait à moi.
Depuis, doucement, j’apprends à évoluer dans cet univers complexe et sans fin. Mon quotidien intègre ce changement sans broncher, ça parait normal d’avoir cette objet incroyable à disposition. La magie disparait peu à peu. Sauf à un moment. Quand je l’allume. A chaque fois, je l’oublie. A chaque fois, je suis surpris par la vibration de démarrage. Et à chaque fois, je me rappelle de la première fois que j’ai senti cette vibration. Et que ma réaction naturelle a été un soulagement : il est vivant. Dans ma main, cette unique vibration a sonné comme le premier battement de coeur d’un petit être qui ne respirait plus.
Je me rends bien compte que la puissance émotionnelle de ce détail ne vient pas de la vibration, mais de l’interprétation que mon corps et mon cerveau en ont fait. Mais ça n’enlève rien : ce sentiment-là, il écrase toutes les promesses du monde.