L’invincible armada

10 juillet 2008

Si l’intitulé-même de ce blog souligne l’importance des détails (pluriel), chaque billet s’attelle souvent à mettre en avant un détail (singulier). Pourtant, c’est une armada de détails qui fait parfois la différence, sans que l’on puisse extraire un détail en particulier.

Cette réflexion a pointé son nez lors de la lecture de « The winner within », essai autobiographique écrit par Pat Riley, entraîneur mythique de basket-ball américain. Parmi les clés de sa réussite à la tête des Los Angeles Lakers, il raconte la mise en place d’un système d’analyse des actions des joueurs, bien plus précis que les statistiques habituelles (points, rebonds, passes décisives, interceptions, etc.). Pour cela, il avait défini une liste des gestes à encourager ; par exemple, aller au rebond à chaque tir ou aider un coéquipier qui s’est fait déborder en défense. En mesurant chacun de ces détails, dans leur intention plus que dans leur résultat, Pat Riley faisait prendre conscience à ses joueurs de l’importance des petits gestes invisibles, qui n’apportent aucune gloire individuelle mais qui, mis bout-à-bout, mènent à la victoire.

J’ai récemment pu mettre en application cette approche, lors d’une partie de Risk 2210.

Risk est un jeu de société. Sur une carte du monde, les joueurs sont à la tête d’armées et doivent atteindre un objectif secret. Pour cela, ils définissent des stratégies d’attaques – qui se jouent aux dés – ou d’alliances – qui se jouent des amitiés. Méprisé par les puristes pour la place trop grande qu’il accorde au hasard, Risk demeure le jeu de stratégie le plus populaire, au point d’avoir engendré de nombreuses déclinaisons. Ces déclinaisons conservent le principe de base (conquérir les territoires adverses) mais font évoluer les règles, la carte et les pions.

Risk 2210 est une de ces déclinaisons, tendance futuriste. On joue toujours sur une carte du monde, mais il est désormais possible d’envahir les mers, d’aller sur la lune ou de déclencher des attaques nucléaires ! Rajoutez à ça des cartes aux pouvoirs spéciaux, une monnaie d’échange, davantage de dés et un système de paris pour déterminer l’ordre des joueurs à chaque tour, et vous obtenez un jeu qui rend impossible toute stratégie à long terme.

Grisantes au départ, ces mille possibilités offertes à chaque tour se transforment en une sensation assez frustrante de ne rien contrôler, tant que l’on reste dans une logique de stratégie à long terme. Pourtant, dès lors que l’on renonce à tout prévoir à l’avance, on découvre une autre manière de jouer, radicalement différente mais non moins intéressante : sauter sur les opportunités qui se présentent pour multiplier les micro-actions bénéfiques. On en revient à cette histoire d’armada de détails. Dans le lot, il est sûr que des tactiques vont tomber à l’eau, que des attaques vont se heurter à un mur, que des imprévus vont survenir ; mais au final, peut-être que la défaite adverse ne tiendra qu’à un fil, et que c’est le petit déplacement de la ligne de défense effectué trois tours plus tôt qui sera décisif. Et plus le nombre de ces actions est grand, plus les probabilités de victoire sont élevées, au point de transformer cette somme de détails invisibles en une invincible armada.

[…]

Le lien entre basket et stratégie de guerre ne vous parait pas évident ? Je comprends. La dernière fois que j’ai tenté ce parallèle, c’était pour enseigner à des benjamins comment appliquer les principes de « L’art de la guerre » de Sun-Zi dans un match de basket. Je ne les avais pas senti très réceptifs. Ce premier entrainement a aussi été la fin de ma carrière d’entraineur.


Le groom de la Terreur

21 avril 2008

Depuis quelques semaines, on peut voir dans la presse des photos de la Tour de la Terreur, la nouvelle attraction de Disney Land Paris. Il s’agit d’un bâtiment lugubre à l’intérieur duquel se trouve un ascenseur du genre capricieux : on s’y installe, il monte très haut, et une fois arrivé au sommet, redescend à toute allure.

Dixit Wikipedia : « La Tour de la Terreur est une attraction de Disney basée sur le principe des tours de chute/chute libre mais utilisant la technologie des ascenseurs. A l’opposition des chutes libres classiques (ou « Free fall »), cette attraction est basée sur le système « Hyper drop », ou chute plus rapide que la constante de gravité terrestre.« 

Une horreur.

Pour faire la promo de l’événement, Mickey et Donald ont convié une flopée de célébrités à venir tester le manège : Virginie Efira, José Garcia, Bruno Solo et d’autres. Depuis, la presse people est garnie de photos de starlettes hilares et/ou terrorisées qui se cramponnent aux sièges de l’ascenseur. Le coup de pub est hyper-efficace.

Mais parlons détail : sur toutes les photos, il y a toujours le même type habillé en groom. Il est maquillé pour avoir le teint livide et fait partie intégrante du manège. Ce mec me fascine. Je me demande s’il a été appelé spécifiquement pour ces séances photo, s’il se relaie avec un collègue ou si son emploi du temps quotidien est vraiment de se manger 66 mètres de chute libre en ascenseur. Sur toutes les photos, il garde un air placide et digne, avec un léger sourire et une petite crispation dans le bras. Moi qui déteste les manèges, j’aimerais le connaître : comprendre ce qui l’a attiré vers ce boulot, évoquer les spécificités de son poste, savoir ce qu’il mange à sa pause déjeuner. Si vous le connaissez, transmettez-lui mes respects. C’est définitivement lui la star.

Ecrit par Catharsis


Les Quick Time Events

15 mars 2008

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J’ai découvert les Quick Time Events (QTE) il y a quelques années, en jouant à Shenmue, sur Dreamcast, la dernière console sortie des labos de Sega. Comme l’explique le lexique du site GameKult, « les QTE désignent une séquence cinématique interactive où le joueur doit presser une série de boutons dans le bon timing pour poursuivre l’action« .

En gros : vous jouez, puis soudain le symbôle d’une touche de la manette apparaît à l’écran. Puis une autre. Etc. Vous avez un temps limité pour appuyer sur chaque touche indiquée. Ce système met à l’épreuve la vivacité d’esprit du joueur, teste ses réflexes. Et ses nerfs. Car la moindre erreur, le moindre temps de réflexion trop long de quelques centièmes de seconde ne sont pas pardonnés. Et rater trois fois de suite ces séquences tape violemment sur le système. Des manettes ont déjà été fracassées contre des murs pour moins que ça.

Mais ce détail de gameplay était génial. Il permettait une nouvelle façon de jouer, sollicitant le joueur d’une toute nouvelle manière. Resident Evil 4 ou encore God Of War ont par la suite réutilisé ce système de jeu. J’ai par ailleurs appris récemment que les QTE n’ont en fait pas été inventés par Shenmue mais par les créateurs du jeu Dragon’s Lair, en 1983, et que les équipes responsables de Shenmue ont simplement popularisé et réactualisé un concept alors vieux de plus de quinze ans.

Ecrit par Julien


Le jeu de la sardine

14 mars 2008

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La sardine, c’est une variante du cache-cache.

Le principe est simple : une personne se cache, et tout le monde la cherche. Sauf que – SAUF QUE – quand on la trouve, on ne le crie pas haut et fort… mais on se cache avec elle ! Du coup, au fur et à mesure, les cachés s’agglutinent (comme des sardines, d’où le nom), et les chercheurs sont de moins en moins nombreux. Le dernier chercheur a perdu !

Lorsque l’on trouve la cachette, il faut se débrouiller pour la rejoindre sans être vu par les autres chercheurs. Et si un autre joueur est à proximité à ce moment-là, le but est de le semer, ou de l’induire en erreur dans un autre endroit, puis de revenir se cacher…

Le détail qui rend la sardine infiniment plus intéressante que le cache-cache, c’est l’angoisse ressentie par les chercheurs. Au départ, peut-être à cause du noir, les joueurs ont tendance à avancer en groupe. On farfouille, on se parle, on rigole, tout va bien… Puis les rires se font plus rares. La personne qui était à côté il y a deux minutes ne répond plus. On essaye de retrouver le groupe qui semble s’être éloigné, mais il n’y a plus personne. Au loin, on entend des voix ; on court vers elles, et rien, l’endroit est vide. Le temps défile, les gens disparaissent… Jusqu’à ce qu’on se retrouve seul.

[…]

Ne cherchez pas à voir dans ce jeu une triste métaphore de la vie, il n’y en a pas.

Ecrit par Rémi


Les portes de Racoon City

7 mars 2008

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J’ai toujours détesté me lever tôt. Pourtant, plus jeune, il est arrivé que je programme mon réveil une heure avant l’horaire habituel. C’était en 1998, j’étais collégien, et le jeu vidéo « Resident Evil 2 » venait de sortir. C’est dire s’il était passionnant.

Pour ceux qui ne le savent pas, la saga « Resident Evil » a traumatisé une génération de joueurs de PlayStation. Il reste aujourd’hui encore l’exemple parfait du survival horror, ce genre vidéoludique dans lequel l’objectif est simple : sauver sa peau dans un environnement hostile.

Dans « RE 2 », l’environnement hostile consiste en une armée de zombies et d’autres bestioles mutantes infectées par un virus. Je vous passe les détails du scénario. Rappelons seulement l’un des grands principes de ce survival horror : tuer zombies >> ouvrir porte >> si porte fermée, résoudre énigme et trouver clé pour ouvrir porte et pouvoir tuer nouveaux zombies.

Comme dans tout jeu video, il faut subir, entre chaque séquence de jeu, des temps de « loading », pendant lesquels les décors et autres éléments du jeu se chargent. Dans « RE 2 », ces temps de latence interviennent entre chaque changement de pièce. Les programmateurs du jeu ont eu la bonne idée d’illustrer ces temps par un plan de la porte que l’on vient d’ouvrir : on entend les pas du personnage, puis la porte s’ouvre, sur un fond noir. Et l’on revient alors au jeu.

Ce détail m’a beaucoup marqué parce que pendant ce plan, il arrivait que des éléments sonores se mêlent à l’image. Le son du vent et des couinements si la porte donnait sur l’extérieur d’un bâtiment. Une musique d’accompagnement parfois : selon la tonalité de cette musique, on pouvait deviner si l’on arrivait dans un endroit hospitalier ou qui nécessiterait quelques coups de fusil à pompe en guise de crémaillère. Il me semble même – mais il y a bien longtemps que je n’ai pas rejoué à la saga « Resident Evil » – que l’on entendait parfois le bruissement fourbe de zombies rampants ou la course de dobermans décidés à vous bouffer. Mais je n’en suis même plus certain ; il se peut que j’aie été trop pris par le jeu et que mon cerveau malade ait inventé cela.

Il fallait donc rester constamment sur ses gardes, même pendant les temps de chargement. L’immersion totale. Et des souvenirs inoubliables pour tout « gamer ». Aujourd’hui encore il m’arrive de repenser à tout cela au moment d’ouvrir une porte. A part ça, je vais bien.

Ecrit par Julien


Rater son saut de l’ange dans Assassin’s creed

13 janvier 2008

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« Assassin’s creed » est un petit jeu aussi joli que répétitif. Au bout de quelques heures, on s’attend à voir débarquer Bill Murray et ses marmottes tellement les missions ressemblent les unes aux autres. On passe son temps à courir dans des Jérusalem ou Damas surpeuplées. Forcément, on bouscule souvent du monde, et chaque passant heurté ne manque pas de s’en plaindre à haute voix : « Voilà ce qui arrive quand on ne regarde pas où l’on va« , « Vous auriez pu me tuer« , « Il va se faire mal« …

Un des objectifs d’Altaïr, l’assassin méthodique du jeu, est de grimper en haut des bâtiments les plus élevés de la ville, pour avoir une meilleure vue d’ensemble. Et pour redescendre, une aptitude assez extraordinaire est disponible : le saut de l’ange (le jeu original parle de « leap of faith »). Du haut de la tour, on repère un tas de foin, et on saute tel un plongeur olympique qui aurait oublié de faire des pirouettes. Je dois avouer qu’après une longue escalade, c’est assez jouissif.

Le seul problème, c’est que l’on est parfois juché très haut, et que l’on distingue mal le décor qui s’offre à nous juste sous nos pieds. C’est ainsi que, lors de mon dernier saut de l’ange, j’ai confondu un vulgaire tapis avec un tas de foin. Du coup, mon saut de l’ange s’est transformé en une chute mortelle, qui – comble de malchance – avait comme point d’impact… une habitante !

Magie de l’informatique, sa réaction a été la suivante : « Regardez où vous allez !« .

Vous êtes déjà tombé sur des bugs-funny de ce genre ?


Jeux de couleurs

1 janvier 2008

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[C’est fou comme j’ai du mal à empêcher le concept de ce blog de glisser vers un retour aux souvenirs d’enfance proche de la psychanalyse.]

Ce blog ne sort pas de nulle part : un souvenir d’enfance me le prouve.

J’ai grandi dans une famille où l’on jouait tout le temps. Je jouais avec mes parents, avec mes frères et soeur, avec mes cousins, avec mes amis… Et j’ai hérité de cette importance une passion pour le jeu et une réputation de joueur prêt à tout pour gagner. Cette réputation n’est pas usurpée, et c’est aujourd’hui que je réalise à quel point je faisais particulièrement attention à tous les facteurs périphériques au jeu lui-même. Un exemple illustre bien mon état d’esprit.

Car il y a un détail auquel j’accordais systématiquement de l’importance, alors que personne d’autre ne s’y intéressait : la couleur de mon pion. Selon la couleur du plateau, la taille des pions, le besoin de me faire remarquer ou au contraire de me faire oublier, la couleur préférée de chacun, j’essayais toujours de choisir LE pion qui optimisait le plus mes chances de gagner.

Bien sûr, j’employais d’autres astuces pour l’emporter, notamment en prononçant les bonnes paroles au bon moment (je me souviens de parties de Risk où l’on m’avait d’ailleurs interdit de parler), mais je trouve que le choix de la couleur de mes pions est particulièrement significatif, car il est beaucoup plus discret et anodin.

Je crois que le pire dans l’histoire, c’est que je reste persuadé que ce détail m’a plusieurs fois permis de gagner !