Le visage radieux, puis décomposé de Don King

31 décembre 2007

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Je ne connais rien à la boxe. Mais j’ai tendance à suivre ce que fait Michael Mann. C’est pour cela que j’ai fini par voir « Ali », qui me ravit. Le film raconte dix années de la vie de Mohamed Ali et se clot sur un combat à Kinshasa, contre George Foreman. Le combat est organisé par Don King, un promoteur débutant mais ambitieux, qui semble entretenir des relations ambigües avec Mohamed Ali.

Souhaitant en savoir plus sur ce fameux combat, je découvre le documentaire « When we were kings ». Je suis de nouveau emballé. Je vais même jusqu’à regarder l’intégralité du combat, disponible en bonus sur le DVD. Et là, à la fin du combat, j’aperçois un détail qui n’a pas cessé de m’intriguer depuis.

A la fin du 8e round, Mohamed Ali sort des cordes et donne une série de coups à George Foreman qui, épuisé, s’écroule. Il se relève une seconde trop tard. Mohamed Ali est de nouveau champion du monde. Le ring est envahit, chacun veut toucher le héros, dont le visage reste étrangement tendu. Don King, le visage radieux, s’approche de Mohamed Ali par derrière, pour lui glisser un mot. Le boxeur se retourne, semble dire une phrase à Don King, qui blémit d’un coup, et se fige, laissant la foule emporter le boxeur.

Vous pouvez apercevoir ce passage à la toute fin de cette vidéo.

J’ai beau avoir cherché, je n’ai pas trouvé ce que Mohamed Ali dit à Don King à ce moment-là. Quelqu’un aurait une piste ?


‘In da club’ ou l’art du faux départ

23 décembre 2007

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Depuis quelques années, l’un des gimmicks récurrents du rap américain est d’ouvrir les gros singles par une courte intro cinématographique, une rapide orchestration un peu ronflante qui emmène l’auditeur sur une fausse piste avant de lancer par contraste le véritable commencement du morceau. Cette idée a été énormément exploitée par des producteurs comme Scott Storch, J.R. Rotem ou Eminem, trois musiciens qui entretiennent chacun à leur manière une filiation artistique directe avec le géant Dr. Dre. Un Dr. Dre qui, quelque part, a la paternité de cet effet de style, puisqu’en 1999, son album « Chronic 2001 » s’ouvrait avec la fameuse « deep note », la signature sonore de la technologie THX développée par la société de Georges Lucas.

En guise d’exemples, on peut entendre ces « intros cinématographiques » dans des titres comme ‘Candy Shop’ (50 Cent), ‘The Cross’ (Nas) ou plus récemment ‘Take it to the top’ (Freeway ft. 50 Cent).

Bizarrement, il existe un morceau dans lequel cet effet n’est pas utilisé, et c’est d’autant plus paradoxal que ce titre constitue à de nombreux égards l’archétype du gros single : ‘In da club’, titre déclencheur de l’explosion de 50 Cent en 2003.

‘In da club’ n’a pas d’intro, pas d’appui. Il ne commence pas. Si l’on décortique les toutes premières secondes du morceau, on remarque que la rythmique démarre à contre-temps, sur un pied de batterie en légère avance sur le temps fort (je laisse le soin à notre lecteur-batteur Glorb de me dire le terme exact !). La réussite est totale : l’auditeur est directement projeté dans le vif du sujet, comme si l’instrumental rutilant de Dr. Dre (encore lui) venait submerger les programmations radio, les playlists winamp et les clubs partout sur Terre. Ca tombe bien : c’est exactement ce qui est arrivé à l’époque où le morceau est sorti. Curtis « 50 Cent » Jackson est alors devenu l’une des icônes pop incontournables de la décennie. Une non-introduction tellement puissante qu’à ce jour, et malgré ses efforts louables, Fifty n’a jamais vraiment pu réussir à capturer une deuxième fois un instant de la même force.


Trop en dire…

17 décembre 2007

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J’ai habité pendant un an avec un fan de Jean-Jacques Goldman. Il avait plusieurs albums, des anecdotes de concert, et l’envie de les partager. Intrigué, j’avais écouté. Et étais tombé sur une chanson, « Ne lui dis pas ».

D’emblée, le titre de la chanson m’a plu. « Ne lui dis pas », c’est un titre qui promet plein de belles choses choses tristes. Et je dois reconnaître que la chanson est à la hauteur de son titre.

Et puis un jour, mon colocataire m’a fait écouter un album live de Goldman. Avec, notamment, la chanson « Ne lui dis pas ». Bon, moi, les albums live, c’est pas mon truc. Neuf fois sur dix, je suis trop conditionné par les versions studio pour apprécier les versions live. Mais là, rien à voir : la chanson est massacrée… avant même de commencer. Parce que Jean-Jacques Goldman – qui se croit obligé d’introduire la chanson – annonce « Ca, c’est une chanson qui parle du mensonge« .

Je vais être honnête : même si j’ai bien quelques pistes, je serais incapable de vous dire de quoi parle la chanson. En revanche, je sais que c’est un peu plus qu’une chanson qui « parle du mensonge« . Et je n’arrive pas à comprendre comment l’auteur même de la chanson puisse la présenter ainsi.

Voici le texte :

Troubles images issues du temps
Messages d’enfant
Vagues voyages au gré d’avant

Ne lui dis pas
Ce n’est qu’à toi
Rêve tout bas
Ne lui dis pas

Tendres caresses, fièvres et sang
Les peaux s’entendent et se tendent
Paupières closes, qui te prend ?

Ne lui dis pas
Ça sert à quoi
Ce n’est qu’à toi
Ne lui dis pas

On n’avoue rien si l’on est innocent
Les mots sont vains, les mystères indulgents
La pénombre éclaire
Du silence au mensonge
C’est l’espace des songes

Page après page, vie sur vie
Quand les questions dansent
N’est-ce que ça ? Etait-ce lui ?

Ne lui dis pas
Ce n’est qu’à toi
Rêve plus bas
Ne lui dis pas

Qu’il est si tard, qu’il ne t’étonne plus
Qu’il ne sait pas et qu’il n’a jamais su
Que bientôt l’hiver
Si c’était à refaire
Mais « chut » mieux vaut se taire
Ne lui dis pas

Qu’en pensez-vous ? Vous partagez ma déception ?


Le pas qui trahit l’enfant

13 décembre 2007

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Quand j’étais petit, mon super-héros était habillé en vert et jaune. Il était rapide, agile, inarrêtable. Il s’appelait The Rain Man.

La NBA regorge de joueurs spectaculaires, mais Shawn « The Rain Man » Kemp avait un grain de folie en plus, un côté chien fou impossible à contrôler. Ses explosions de rage sur le terrain n’avait d’égales que sa timidité pendant les interviews. Recruté prématurément à 19 ans pour jouer dans la cour des grands, Kemp a toujours donné une image de grand enfant, ce qui lui a valu le second surnom de The Man Child.

La liste des actions incroyables de celui qui est probablement le meilleur dunkeur à n’avoir jamais remporté le Slam Dunk Contest est longue comme le bras de Gheorghe Muresan. L’une de ces actions m’a marqué à jamais.

Kemp prend le rebond en défense, traverse le terrain à la vitesse du son, ralentit un instant à l’entrée de la raquette, ré-accélère pour son double-pas et conclut par un violent tomahawk jam. Il agit comme s’il n’avait pas d’adversaires sur le terrain. D’ailleurs, ses adversaires semblent penser la même chose : ils regardent, impuissants, la tornade passer.

Pour voir ce que ça donne, voici la vidéo (c’est le n°7 de ce top 10).

Vous allez me dire : « OK, c’est impressionnant… mais le détail dans tout ça ? ». Vous ne perdez pas le nord, et vous avez raison.

Juste d’arriver dans la raquette, Shawn Kemp fait une feinte, qui contribue à lui laisser le champ libre ensuite. Cette feinte m’a toujours laissé perplexe. J’ai joué au ralenti ce passage des centaines de fois – probablement la cause de l’usure anormalement rapide de notre magnétoscope de l’époque. Et si j’ai mis si longtemps à comprendre ce qu’il faisait, c’est que, malgré la fluidité de la course, l’aisance apparente de Kemp et l’expression arrogante sur son visage, son geste est tout sauf naturel.

L’explication est pourtant extrêmement simple : l’espace d’un instant, Shawn Kemp trottine. En regardant bien la vidéo, on voit effectivement qu’il fait deux appuis de suite sur la jambe gauche, comme un enfant qui trottine pour s’amuser. Shawn Kemp dans toute sa candeur, The Man Child dans toute sa splendeur.

Pour ceux qui veulent voir la vidéo en meilleure qualité, elle est disponible sur le site officiel de la NBA.


Lisa, on s’écrira…

13 décembre 2007

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Il y a une limite à ce blog : celle de nous forcer à surligner des choses qui, au fond, appartiennent au domaine du ressenti pur. Et leur faire perdre leur magie.

Prenez le morceau ‘Lisa’ d’Alain Souchon. C’est le titre qui clôt « La Vie Théodore », album court et un peu mélancolique comme sait les faire la tignasse la plus improbable de la chanson française. Autour de rimes toutes simples, ‘Lisa’ montre deux amoureux d’un été à l’heure de la fin des vacances. Ils sont à la pizzeria du camping, ils n’ont plus grand chose à se dire alors Souchon fait dans la strophe enfantine (« Lisa, Lisa, Lisa, fais pas ta Mona-Lisa / Pleure pas sur ta pizza parce que j’ai fait ma valisa« ). Il est tout calme, avec son air de toujours flotter dans le réel… Et puis, du bout des lèvres :

« Lisa, on s’écrira… Puis on s’écrira pas. Lisa, on s’oubliera. Ainsi va la vie Lisa. »

Je trouve absolument sublime l’idée d’introduire cette froide lucidité dans une situation où, généralement, les voeux pieux et les belles promesses seraient de mise. Et puis il y a dans cette phrase un détail d’une cruauté implacable : celui de faire dire au garçon « Puis on s’écrira pas » au lieu de « Puis on s’écrira plus« . Bien sûr, ça rime, mais ça donne surtout l’impression que la fatalité va effacer leur amourette aussitôt que la voiture démarrera pour repartir vers le mois de septembre. On imagine presque l’électrocardiogramme de leurs sentiments qui, d’une seconde à l’autre, va s’aplatir. Ainsi, le choix d’une simple syllabe (« on s’écrira pas« ) transforme cette petite saynète, judicieusement placée en fin de disque, en quelque chose de beaucoup plus sombre et profond. Dans une autre de ses chansons, Souchon parlait des « coups de pied du jour le jour« . Dans ‘Lisa’, il évoque les premières gifles du temps qui passe.

Mais j’en ai déjà trop dit. Ne lisez pas, écoutez plutôt :


Nid d’ombres

12 décembre 2007

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[Comme vous le savez, vous pouvez participer à ce blog. Voici le premier article écrit par un lecteur de ce blog, Julien.]

Dans « Les Promesses de l’ombre », de David Cronenberg, une scène m’a particulièrement marqué. Précisons tout d’abord que ce film n’est pas avare en scènes mémorables : de l’assassinat au rasoir jusqu’au combat dans les bains publics en passant par la cérémonie d’initiation, les images se gravent automatiquement dans l’esprit du spectateur, par leur beauté ou leur violence brute. Parfois les deux.

Mais il en est une à côté de laquelle, je pense, beaucoup de gens ont dû passer. Nikolaï (Viggo Mortensen) et Kirill (Vincent Cassel) se trouvent tous deux au bordel. Les putes sont propriété de leur famille mafieuse. Saoûl, Kirill, qui est le supérieur de Nikolaï, oblige ce dernier à choisir une prostituée et à coucher avec elle devant lui. Il veut, dit-il, vérifier que Nikolaï n’est pas homosexuel.

La caméra tourne alors lentement et balaie la pièce, passant brièvement sur les visages des prostituées, jeunes filles venant d’Europe de l’Est, qui croyaient trouver à Londres un avenir meilleur. C’est ce moment-là, quand la caméra capte les regards. Ce qu’on y voit ? Un mélange de tristesse et de résignation, frappant et vraiment troublant. Pas quelque chose qui donne l’impression d’être joué, mais vécu, intériorisé. Réel. Au point que je me suis demandé s’il s’agissait d’actrices.

Ce moment-là – et d’autres – renvoie directement à ‘Nid de guêpes’, un morceau d’Akhenaton disponible sur son « Black Album » et qui raconte l’itinéraire d’une jeune Roumaine enlevée pour finir sur le trottoir à Nice. Puis morte sous un abribus. « Les promesses de l’ombre » n’est pas directement un film sur la prostitution – du moins ce n’est pas son thème central. Mais Akhenaton et Cronenberg en parlent en suivant le même mode de narration, via le journal intime d’une « fille de l’Est », comme on dit, découvert après leur mort. Bouleversant morceau d’Akhenaton, soit dit en passant.

« Yeux tristes dans l’étreinte de gens sans amour, gens sans avenir, gens sans atours, gens qui la serrent mais à ses cris demeurent sourds. »

C’est ce que le rappeur marseillais écrit. Et c’est ce qui paraît flotter au-dessus de cette scène, entre la barre de strip-tease froide, la violence de Kirill et les corps offerts de force et pris pour passer le temps.


Utilisation abusive de guillemets

11 décembre 2007

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Amis de la ponctuation, bonsoir.

Mes anciens camarades d’écriture de l’Abcdrduson peuvent en témoigner : je suis chiant avec la ponctuation. Et s’il y a un détail qui m’agace ces temps-ci, c’est les guillemets utilisés à tout bout de champ, par paresse.

A l’origine, des guillemets sont là pour indiquer que l’on cite quelqu’un, donc que l’auteur de l’article n’est pas l’auteur des propos entre les guillemets. Cela permet au lecteur de comprendre qui dit quoi, et à l’auteur de se dédouaner des propos qu’il ne fait que retranscrire. Mais avec le temps, les guillemets se sont transformés en principe de précaution. Lorsque l’on veut utiliser une expression qui risque de créer une polémique, on la met entre guillemets. Ça ne veut pas dire que l’on cite quelqu’un. Ça veut juste dire : « Venez pas me saoûler avec ça, je l’ai mis entre guillemets ». On le dit, mais pas vraiment. On le dit « entre guillemets ». A force, ça peut finir par prêter à confusion – les fans de la série « Friends » se souviendront de l’épisode où Joey apprend avec difficultés à utiliser les guillemets à l’oral.

Le phénomène semblant prendre de l’ampleur aux Etats-Unis, un blog recense des centaines d’exemples abusifs de guillemets : sur des panneaux, sur des emballages, sur des enseignes… Un commentaire d’une ligne vient décrire l’absurdité de la photo.

Je suis ravi d’apprendre que je ne suis pas le seul à avoir remarqué ce détail.

[Merci 37 Signals]


« Un jour sans fin » : le roucoulement de Ned Ryerson

8 décembre 2007

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« Un jour sans fin », comédie métronomique dans laquelle un présentateur météo est prisonnier d’une journée qui se répète éternellement, est foncièrement un film à détails. Le comique du film repose en grande partie sur les réactions de Phil Conors (joué par Bill Murray) face à des événements anecdotiques du quotidien qui tournent au cauchemar à force de se répèter. J’imagine qu’il a fallu au réalisateur Harold Ramis et son équipe un sens du détail décuplé pour faire fonctionner le film qui, 14 ans après sa sortie, reste toujours aussi ludique à regarder.

Il y a un personnage récurrent du film qui, le temps de trois ou quatre scènes, crève l’écran : c’est Ned Ryerson, le pote d’enfance envahissant qui interpelle Phil chaque matin au même croisement. Ned est interprèté par Stephen Tobolowsky, comédien plutôt doué pour trouver sa place dans des films à la chronologie chamboulée, puisque c’est lui qui, dans un registre complétement différent, joue l’intriguant Sammy Jenkins dans « Memento », film-puzzle qui mériterait d’ailleurs un blog entier tant il regorge de détails.

Il y a un truc chez Ned Ryerson qui me tue à chaque nouvelle vision du film et qui a du traumatisé tous les fans d' »Un jour sans fin ». C’est sa dernière apparition, au moment où Phil Conors vit enfin sa meilleure journée dans le bégayement de sa vie. Plus que le dialogue en lui-même, c’est la dernière expression de Ned à l’écran qui me plie en deux. Après s’être fait gentiment remballé par Andy Mc Dowell, il pousse un espèce de cri d’animal complétement loufoque. Ca se tient en une demie seconde, ça semble improvisé à 100% et ça ponctue sa performance dans le film d’un énorme point d’exclamation. Irrésistible.

PS : en fouinant sur YouTube, j’ai aussi trouvé cette vidéo assez étrange autour d' »Un jour sans fin ». Pas de doute, les détails, ça compte.


Légers travellings dans la série « Six feet under »

7 décembre 2007

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Récemment, j’étais sur le point d’entamer la saison 5 (non, pas celle-là) de la série « Six feet under ». Cette série me touche beaucoup. Derrière un concept choc (le quotidien d’une entreprise familiale de pompe funèbres, avec une mort à chaque début d’épisode), elle cache des thèmes-clé poignants : apprendre à vivre avec l’autre, apprendre à vivre sans… L’amour et la mort, quoi, mais en finesse et en drame.

Par hasard, je tombe sur une interview d’un réalisateur, Bernard Jeanjean, qui cite la série parmi ses influences : « Pour la réalisation de certains plans, j’ai aussi été influencé par la série Six feet under qui utilise de légers travellings, presque invisibles, pour dynamiser certains plans. »

Je n’avais jamais remarqué ce détail – peut-être que seul un réalisateur pouvait le faire, d’ailleurs. Depuis, ça me saute aux yeux. Pour symboliser une sensation de ciel-qui-tombe-sur-la-tête, un procédé cinématographique est souvent utilisé : le travelling compensé. C’est la combinaison d’un zoom avant et d’un travelling arrière (ou l’inverse), qui donne l’impression que le décor se compresse autour du personnage. C’est parfaitement efficace, car on ressent visuellement le vertige simulé.

Dans « Six feet under », pas de travelling compensé. Juste un léger travelling avant, presque imperceptible. C’est un détail technique, mais c’est si juste, tant ça colle aux personnages de la série, trop fragiles pour affronter leurs peurs, trop pudiques pour les partager.


Une musique qui paraît irréelle

7 décembre 2007

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Il y a 10 ans, mon frère m’accueillait dans son appartement pour un soir. Il partageait cet appartement avec un ami, et à cet époque-là, tous deux s’étaient épris d’un nouveau morceau d’IAM. IAM ? Je ne savais pas qui c’était – je vivais à l’étranger au moment de la déferlante « Je danse le mia ».

Sans perdre une seconde, mon frère et son colocataire décident de me faire découvrir ce morceau. A cet instant précis, je ne sais pas que les prochaines minutes vont considérablement influencer mes dix prochaines années. Le morceau commence par une voix étrange. Une musique entraînante commence en fond, puis des bruits étranges viennent se superposer à une autre voix qui semble tourner en rond – comme un disque rayé – tandis que je vois mon frère, le sourire aux lèvres, gesticuler dans l’appartement.

La suite serait trop longue à raconter. Passion dévorante pour le rap, argent de poche exclusivement fléché là-dessus, collection de disques envahissante, écriture d’articles, rencontres d’artistes, volonté de s’impliquer dans des projets…

(…)

Hier soir, 22h30.

La musique s’est tue, les lumières sont éteintes, la foule crie, chante, siffle, hurle. Et IAM revient sur la scène de l’Olympia, pour le rappel. Ce concert, c’est un cadeau d’anniversaire surprise de mon frère. Mon frère me regarde, me demande quels titres ils n’ont pas encore joué. Avant que j’aie le temps de répondre, une voix démarre. Une voix ? La voix. Je n’ai plus de jambes, plus de cou, plus de gorge, mais rien n’y fait, me voilà à sauter sur place, à hocher la tête et à scander le texte.

Il y a dix ans, juste avant d’écouter ce morceau pour la première fois, je ne savais pas ce qu’il allait engendrer. Je savais encore moins que tant d’années après, je repenserais à ce moment avec tendresse. Peut-être que si je n’avais pas découvert le rap ce jour-là, il me serait tombé dessus par la suite. Probablement même. Mais il se trouve que ça s’est fait ce jour-là. Et que ce détail – cette voix – a été le déclencheur.