Sherlock House

30 avril 2008

Quelque chose m’a toujours intrigué dans la série « Dr. House ». Je n’avais jamais réussi à mettre le doigt sur ce détail, ou plutôt sur cet ensemble de détails. Jusqu’à ce que je voie le dernier épisode de la troisième saison, diffusé la semaine dernière sur TF1.

Au cours de la séquence finale, le réalisateur nous montre Gregory House rentrer chez lui. La caméra reste à l’extérieur, puis effectue un lent travelling lorsque la porte se referme pour passer devant la fenêtre et nous permettre d’observer ce que fait House – il ouvre un colis qu’il vient de recevoir, mais l’intérêt n’est pas là.

Entre la porte et la fenêtre, la caméra passe devant le numéro de son appartement. C’est ce qui m’a soudain fait comprendre que cette série est en fait un long hommage à « Sherlock Holmes », l’oeuvre littéraire d’Arthur Conan Doyle. Car ce numéro est le 221, référence directe à l’adresse de Sherlock Holmes à Londres, le 221B Baker Street.

Impossible, dès lors, de ne pas établir un grand nombre de correspondances à partir d’autant de détails qui laissent penser que « Dr. House » n’est, d’une certaine façon, qu’une adaptation joyeusement cinglée et dans le monde médical des enquêtes du plus célèbre détective de la littérature mondiale. Et que House est une sorte de réincarnation d’Holmes au XXIème siècle.

Les noms, déjà. House/Holmes. Les deux sont très proches. Le meilleur ami (le seul ami) de Gregory House s’appelle Wilson. Entre le Dr. Wilson et le Dr. Watson, il n’y a également qu’un pas. Les deux jouent d’ailleurs grosso modo le même rôle : celui de soutiens sans faille, sympathiques et dévoués à défaut d’être vraiment fûtés.

Ensuite, au niveau des caractères. House et Holmes sont deux génies misanthropes rejetant la compagnie du reste de la société, sûrs d’eux et pleins d’arrogance. Tous deux sont des toxicomanes : Holmes est accro à la cocaïne ; House à un médicament anti-douleur, la Vicodin. Et c’est seulement lorsqu’ils sont sous l’effet de ces produits qu’ils sont pleinement efficaces. Enfin tous deux sont des passionnés de musique, qui leur sert de refuge autant que de loisir. Sherlock Holmes pratique le violon. Gregory House joue de la guitare et du piano.

Dans leur façon d’enquêter, les liens sont nombreux. Le détective privé et le médecin avancent par déductions, qu’ils sont souvent les seuls à comprendre, aidés également par un sens incroyable de l’observation. On peut aussi très bien assimiler le reste de l’équipe de House aux policiers de Scotland Yard qu’Holmes prend sans cesse un malin plaisir à devancer et à rabrouer, même s’il arrive qu’ils l’aident – presque involontairement. Enfin, tous deux ne s’attachent pas à leurs clients/patients, ne les considérant que comme des cas, des énigmes à élucider. Une fois le mystère éclairci, ils rompent tout contact.

Cette multitude de correspondances aura sans doute sauté aux yeux de beaucoup de télespectateurs. mon cerveau doit être plus lent ; il m’aura fallu ce lent travelling, après des dizaines d’épisodes, pour faire enfin le rapprochement. Il y a sûrement d’autres points communs, mais ceux-ci me semblent les plus évidents.

Ecrit par Julien


Mémoire à très court terme

27 avril 2008

Comme ne le dit pas le proverbe : « On voit le poisson rouge qui sommeille dans la mémoire du voisin, mais pas le piranha qui dévore tout dans le sien« .

L’autre jour, je me moquais gentiment des problèmes de mémoire de mon ancien patron. Mais j’aurais dû commencer par m’occuper des miens.

J’ai beau avoir une excellente mémoire pour certaines choses, je découvre depuis quelques temps que j’ai la pire mémoire à très court terme qui puisse exister. Ma grand-mère ayant été atteinte de la maladie d’Alzheimer, je sais à quoi ressemblent les symptômes d’une perte de mémoire à court terme. Je me souviens par exemple de l’époque où, malins comme des gredins, mes cousins en profitaient : lorsqu’ils avaient fait une bêtise et que notre grand-mère les cherchait pour les punir, ils partaient dans le jardin, couraient autour de la maison, et revenaient vers elle, qui avait déjà oublié après qui elle était en colère.

Ce n’est donc pas ce genre de mémoire-là qui me fait défaut. C’est bien plus ridicule que ça.

Exemple 1 : Un ami doit venir chez moi. Il m’appelle pour avoir l’adresse. Comme je suis prévoyant, j’ai un SMS pré-enregistré avec toutes mes coordonnées ; je propose de lui envoyer. Je raccroche. J’oublie d’envoyer le SMS. Heureusement, l’ami finit par rappeler, en se moquant gentiment de moi, et, la plupart du temps (!), je n’oublie pas deux fois de suite.

Exemple 2 : En ce moment, je cherche à changer de boulot. [Aparté : Ce n’est pas une mise en situation. Je cherche vraiment du boulot. Si vous avez des infos sur un poste de chef de projet web, dans une agence ou une entreprise implantée sur internet, faites-moi signe.] Lorsqu’il m’arrive de tomber sur des annonces depuis mon poste de travail actuel, je les envoie depuis mon adresse email professionnelle vers mon adresse personnelle. À chaque fois, je vais vérifier que le message est bien arrivé dans ma boîte personnelle. Je me connecte, j’arrive sur ma boite de réception, je vois que j’ai un nouveau message, et, tout joyeux, je me dis, à chaque fois : « Tiens, j’ai un nouveau message ». Puis je découvre que c’est le message que je viens de m’envoyer, trois secondes auparavant.

Rassurez-moi : ça arrive à d’autres personnes ce genre de trucs ?

Écrit par Rémi


Pour un chapeau

26 avril 2008

Après quelques mois d’absence, je suis de retour sur une communauté en ligne, un site de rencontres qui ne veut pas se nommer ainsi… par respect pour la pudeur des gens, il est décrit comme un site d’échanges et de partage ; par respect pour la pudeur des gens, je tairai son nom.

Au milieu de ce fourmillement, je souhaite satisfaire ma curiosité voyeuse des autres, et déterrer quelques individualités dignes d’être découvertes.

Un amour, une première séance photos en tant que modèle, une soirée terminée dans un véhicule du Samu, une expérience de bodypainting, un lever de soleil à la Croix des Rochers, un appartement très seventies… condensé hétéroclite de ces précédentes rencontres. Pourquoi eux et pas d’autres ? Un détail certainement qui m’a interpellé à l’époque.

Au milieu de ce fourmillement, il faut faire des choix. Un jugement souvent superficiel qu’il faut assumer pour ne pas se laisser submerger.

S. est venu me saluer, un amateur de poésie certes mais son chapeau sur la photo lui sied tellement bien ! Je réponds. Vingt-quatre heures plus tard, il reçoit mon recueil de poèmes afin d’obtenir un regard critique et extérieur. Un geste intime et de confiance. Pour un chapeau, un simple détail ?

En vue d’un rendez-vous réel, je lui demande de mettre son fameux couvre-chef pour faciliter la reconnaissance. Que nenni, il n’aime pas ces accessoires. Un soirée « chapeau » londonienne, voilà tout.

Tant pis ou tant mieux, je le rencontre demain. J’aurais alors oublié ce détail et m’attarderais sur le reste.

Écrit par Eliette


Details matter adapté en film

25 avril 2008

À quoi ressemblerait l’équivalent de ce blog adapté au cinéma ?

Si je me fie au le résumé d’Allociné, ça devrait ressembler à ça :

Tenter l’expérience d’un film composé comme un recueil de nouvelles. Le film serait une série de séquences aux personnages et situations différents, dont le point commun est de décrire le moment apparemment anodin d’un instant révélateur, qui tout à coup fait saillie.

Quelqu’un a-t-il vu ce film ? Ca m’intrigue beaucoup…

Écrit par Rémi


Un infime et souriant détail

24 avril 2008

Je suis étrange, peu normal, fou, maniaco-dépressif… enfin bref, ce que vous voulez.

Je m’explique.

La 1ere fois que j’ai franchi la porte de « Details matter », je fus intrigué par une de ces petites choses avec lequel ce blog, justement, fait sa ligne éditoriale. Mais étrangement, pas dans un des articles. Non. Dans la charte graphique du blog…

Je suis à peu près sûr que tout le monde l’a déjà remarqué. Non ? Mais si, faites défiler la page jusqu’en bas et vous l’apercevrez, tout fier de lui et souriant

C’est tout bête, mais je me sens obligé, à chaque passage ici, de le regarder, sourire aux lèvres… Oui, je sens en « lui » une joie d’être un petit smiley si discret, tout simplement.

Par contre, quelle ne fut pas ma déception après un amer (!!) constat : n’est pas un détail propre à « Details matter » mais visible dans les blogs « WordPress » à fond gris.

Pas grave, je continuerais à lui jeter, en toute discrétion, un regard amusé.

Je l’ai dit dans ma première phrase, mais j’essaye de me soigner

Écrit par Rg Prod (http://www.amadroguedouce.blogspot.com/)


Question suivante

23 avril 2008

Dans sa mouture actuelle, le dernier article d’un numéro de Première est toujours une interview un peu décalée/second-degré, ambiance soyons-futile-ah-ah-la-vie-est-une-grande-farce. On pourrait penser que des questions sur des points de détails m’intéresseraient, mais non. Je déteste ça. Encore plus depuis le numéro d’avril.

Wes Anderson est le cobaye du mois. Stéphanie Lamome peut être fière de son travail, elle a préparé pleins de questions :

  • Partageriez-vous votre lit plutôt avec Owen Wilson ou avec Luke Wilson ?
  • Vous a-t-on déjà pris pour quelqu’un d’autre ?
  • Préféreriez-vous faire partie de la famille de Paul Thomas Anderson, de Bibi Andersson, de Roy Andersson ou de Pamela Anderson ?
  • Votre plat préféré ?

Bien élevé, Wes Anderson essaye de donner des réponses à la hauteur des questions, pour ne pas froisser son hôte. Mais soudain il dérape. À la question « Vos films cultes français ?« , il commence par citer quelques films de Truffaut, Godard, Carax et Renoir, puis il ajoute « J’aime bien aussi le cinéma d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri, mais j’ai l’impression que les Américains en ont une toute autre interprétation que les Français.« 

Et là, la suite est épatante. Parce que, de suite, il n’y en aura pas. Quelle interprétation les Américains ont des films de Bacri et Jaoui ? Comme nous, Stéphanie Lamome aimerait le savoir, mais la question suivante (« Votre mot français préféré ?« ) lui brûle les lèvres, il faut passer à la suite, elle enchaine. Sans rebondir sur la réponse qui appelait évidemment une relance, une demande de précisions.

C’est fou comme ce détail m’agace.

[…]

Allez, ne terminons pas ce billet sur une note négative, profitons-en pour rebondir sur une expérience personnelle.

Quand j’ai commencé à faire des interviews, j’avais tendance à énormément les préparer avant. Ce qui faisait que j’étais moi aussi très concentré sur mes questions et pas assez sur les réponses qu’on y faisait. Jusqu’au jour où j’ai découvert un phénomène étonnant, que j’appelle dans ma tête « la seconde de trop ».

Mettons-nous en situation :

  1. Je pose une question.
  2. La personne répond.
  3. À la fin de la réponse, je rebondis sur la réponse, ou j’enchaine sur une autre question.

En se focalisant sur l’enchainement des phases 1 et 2, et des phases 2 et 3, on remarquera que s’il y a parfois un silence entre la question de l’intervieweur et la réponse de l’interviewé (le temps de réfléchir à la réponse donnée), l’inverse est rarement vrai. Dès que l’interviewé a fini de répondre, voire avant, l’intervieweur reprend la parole.

Rien que de très normal. Sauf qu’il y a ici un passage secret, qui permet d’accéder à des réponses inédites ! Comment ? En attendant une seconde de trop. C’est-à-dire en laissant volontairement un silence après la réponse, et au moment où ce silence devient gênant, se forcer à attendre une seconde de plus. Et de temps en temps – à votre grande surprise – l’interviewé va reprendre la parole, très souvent en prolongeant la réponse qu’il avait interrompue quelques secondes plus tôt. Et ce qu’il va raconter à ce moment-là, il est très probable qu’aucune question n’aurait permis d’y accéder.

Quand j’ai raconté cette découverte à Yacine_, il m’a dit que c’était un procédé malhonnête. Portant en estime son avis, je ne l’ai jamais réutilisé. À tort ?

Écrit par Rémi


Ponctualité & paramnésie

22 avril 2008

Réglé comme une horloge. Tous les matins, les mêmes gestes (non, je ne bois pas de Volvic), le départ vers le taff à la même heure à quelques minutes près. Le premier temps référence est celui indiqué par l’horloge de la mairie. Systématiquement, entre 07h06 et 07h11. Ni plus, ni moins.

J’emprunte les mêmes chemins, ne change jamais de trottoir lorsque ça n’est pas nécessaire. Tout est balisé, le summum de la routine, le sommet de l’efficacité. Le circuit parfait pour arriver à l’heure à la gare, étudié et approuvé pour éviter l’obstacle, souvent parent du retard. Un détail est pourtant venu bouleverser ce petit monde d’habitudes. Si de mon point de vue, mon petit monde est aussi bien organisé, j’oublie aussi d’envisager qu’il doit en être de même pour mes semblables qui me précèdent, me suivent, me croisent sur cet axe piéton. Se croiser, justement. Un mercredi comme un autre, je croise comme quasi-systématiquement le matin, les mêmes personnes ; Dans le désordre, souvent. Ce jour-là, je croisais donc celui par qui est né le « trouble ».

Au moment de le croiser, sur le même trottoir, je lui cédais la priorité à cause de l’un de ces pylônes EDF qui jalonne la longue ligne droite du trottoir. Un quart de seconde d’attente pour le laisser passer et éviter soit un choc, soit que l’un de nous ne descende sur la chaussée. Le type passe, fais un signe de tête et chuchote un « merci ». Un quart de seconde plus tard, je ravale l’asphalte, histoire de respecter mon second temps de passage, à l’horloge de la Poste… Entre 07h15 et 07h18, ni plus ni moins.

Jusqu’ici tout va bien mais si l’on ne parle jamais des trains qui partent et arrivent à l’heure, ceux qui défient Chronos sont l’objet de railleries, insultes et autres bloggeries… Ma présence dans cette détaillère (nom féminin – « Véhicule pour transporter le détail, généralement vers l’abattoir.») n’est due qu’au dialogue que ma courtoisie a entamé avec un second round dès le lendemain, sur les sentiers de la gare. Même motif, même punition, mon départ matinal a lieu à l’heure H, passage devant la mairie et son cadran, une centaine de mètres parcourue et je recroise au même endroit, à la seconde près, au mètre près, le type de la veille. Rebelote, sans réfléchir, je le relaisse passer (éducation de merde, tiens). Et là, sensation de déjà-vu gigantesque, la plus puissante que j’ai pu ressentir jusqu’ici. Pour tenter de décrire cette sensation, cela reviendrait à imaginer que l’on vacille entre le rêve et l’irréel. Rêver que l’on dort, ou rêver que l’on rêve que l’on dort. Comme si l’on se trouvait bloqué dans le goulot d’étranglement d’un sablier. Ai-je vraiment déjà vécu ce moment ? Est-ce une illusion ? Un flottement qui dure le temps d’une vie. Le type en face de moi a ressenti la même chose, au même moment. Le face à face s’est soldé par deux éclats de rire devant le burlesque de la scène, et un « merci » que j’avais déjà attendu 24 heures auparavant. A la seconde près. A un rire près.

[Quelques jours plus tard] En rentrant du taff et en parcourant ce fameux trajet à l’envers, je soumets mes poches de manteau à une fouille de rigueur. Je passe par le menu le fouillis général et fais un rapide tri. Une facturette de supermarché, froissée, est déjà promise au rebut. J’en découvre une seconde, l’examine rapidement. J’avais acheté la même chose, les deux mêmes articles, à un mois près, jour pour jour. Je compare les deux facturettes pour en être certain. De nouveau une sensation bizarre, le goût de ce satané sable en bouche. La réalité m’a ironiquement rattrapé assez vite : si j’avais bel et bien acheté les deux mêmes articles, j’avais en revanche payé quelques euros de plus la seconde fois… Qui a dit que l’inflation était un détail ?

Écrit par Somnoleur (http://relais-hasch.blogspot.com/)


Le groom de la Terreur

21 avril 2008

Depuis quelques semaines, on peut voir dans la presse des photos de la Tour de la Terreur, la nouvelle attraction de Disney Land Paris. Il s’agit d’un bâtiment lugubre à l’intérieur duquel se trouve un ascenseur du genre capricieux : on s’y installe, il monte très haut, et une fois arrivé au sommet, redescend à toute allure.

Dixit Wikipedia : « La Tour de la Terreur est une attraction de Disney basée sur le principe des tours de chute/chute libre mais utilisant la technologie des ascenseurs. A l’opposition des chutes libres classiques (ou « Free fall »), cette attraction est basée sur le système « Hyper drop », ou chute plus rapide que la constante de gravité terrestre.« 

Une horreur.

Pour faire la promo de l’événement, Mickey et Donald ont convié une flopée de célébrités à venir tester le manège : Virginie Efira, José Garcia, Bruno Solo et d’autres. Depuis, la presse people est garnie de photos de starlettes hilares et/ou terrorisées qui se cramponnent aux sièges de l’ascenseur. Le coup de pub est hyper-efficace.

Mais parlons détail : sur toutes les photos, il y a toujours le même type habillé en groom. Il est maquillé pour avoir le teint livide et fait partie intégrante du manège. Ce mec me fascine. Je me demande s’il a été appelé spécifiquement pour ces séances photo, s’il se relaie avec un collègue ou si son emploi du temps quotidien est vraiment de se manger 66 mètres de chute libre en ascenseur. Sur toutes les photos, il garde un air placide et digne, avec un léger sourire et une petite crispation dans le bras. Moi qui déteste les manèges, j’aimerais le connaître : comprendre ce qui l’a attiré vers ce boulot, évoquer les spécificités de son poste, savoir ce qu’il mange à sa pause déjeuner. Si vous le connaissez, transmettez-lui mes respects. C’est définitivement lui la star.

Ecrit par Catharsis


Les métaphores alimentaires de l’Oncle Shu

20 avril 2008

Malgré les dires de Booba, IAM n’est pas encore de l’Antiquité. Du moins, les membres du groupe s’évertuent à prouver le contraire. Près de 20 ans après la tape « Concept », Iam est encore là et a sorti un 5ème album en 2007. Si le disque m’avait paru quelque peu déroutant au départ, une écoute un peu plus approfondie avait fini par me convaincre que « Saison 5 » aurait mérité un accueil un peu plus chaleureux à sa sortie. Justement, un des sons les plus décriés de leur dernier album est sûrement Coupe le Cake dont le style a désarçonné plus d’un auditeur. Seulement, en visionnant le clip pour la première fois, une chose me frappe. Il ne s’agit pas des bruitages posés à la place des rimes ou des multiples effets du clip dont le réalisateur a sûrement abusé. Non, ce qui m’alertait était le couplet de Shurik’n et cette phrase dont je n’arrivais pas à me défaire : « Y a Haribo pour le sucré, nous on donne dans l’acide ».

Soudain, je me suis rappelé de certaines discussions que j’avais eu avec un ami. A plusieurs reprises, nous nous étions rendus compte que Shurik’n avait tendance à user de certaines « métaphores alimentaires ». Mais finalement, ces références étaient elles aussi présentes qu’on le pensait ou avions nous surestimé le phénomène ? Je décidai donc de me replonger dans les différentes apparitions de Shurik’n et Dieu sait si elles sont nombreuses. Finalement, il est clair que le rapport de Geoffroy Mussard à la nourriture tourne à l’obsession. Alors, facilité d’écriture ou véritable angoisse à l’idée de pouvoir un jour ne pas manger à sa faim ?

Qu’elles soient discrètes (« Le mangeur d’âmes à chaque repas s’abreuve de nos rancœurs » sur La fin de leur monde ) ou qu’elles soient des éléments marquants des couplets de Shurik’n (« Alors on mangeait pas tous les midis, les pates ou le riz c’étaient les soirs de fête, sinon c’était döner cousin, sauce blanche, sans oignons, 2 cannettes » sur Nos heures de gloire), le rapport à la nourriture, qu’il se manifeste par l’évocation du repas, de simples aliments ou qu’il soit là pour illustrer la misère dans laquelle vit toute une frange de la société française, est toujours extrêmement présent.

Souvent, la nourriture est là pour signifier le contraste entre la France d’en haut et celle d’en bas pour reprendre l’expression consacrée d’un ancien Premier Ministre au faciès de mafieux. Qu’il s’agisse « d’images trop crues pour un beauf devant sa viande trop cuite » (La fin de leur monde) ou des « plus jeunes émerveillés par tant de billets, le genre de gâteau qu’ils ne se lassent pas de goûter » (L’enfer), il s’agit constamment de dénoncer l’abondance dont jouissent certains et les restes laissés aux autres, aux « nôtres » (« On parle de gastronomie, les nôtres crèvent la dalle » sur United). Mais le contraste en question est également culturel comme Shurik’n le souligne sur United lorsqu’il dit « On parle de riz, d’harissa, eux parlent vin et fromage ».

On a le sentiment que ces métaphores agissent comme un déclencheur sur Shurik’n qui peut ensuite laisser son écriture, que d’aucuns qualifieraient de « socialement engagée », s’exprimer pleinement. Qu’il soit en collaboration sur des projets extérieurs à son « clan » marseillais (« Elevés au pain même pas grillé » sur Animalement votre), avec IAM (« Pourquoi lui se gave de saumon sur lit de caviar ? » sur Nés sous la même étoile) ou en solo (« « Les gosses croquent la mort à pleines dents comme dans une barre de Lion, les carries c’est rien, on s’en remet et puis un jour tu mords trop fort et là tu perds ton dentier sur ton pallier » sur Rêves ou « Les personnalités mangent, laissent les miettes et prennent l’argent pour un élixir d’immortalité » sur L.E.F), la récurrence du thème est troublante.

Encore plus édifiant, sur J’attends, il met en scène dans son 3ème couplet un prisonnier qui vit son dernier jour avant d’être exécuté. Et la manière dont il commence son couplet est sans équivoque : « Dernier matin, dernier déjeuner, dernière tartine beurrée ». Là encore, on comprend l’importance de l’alimentation dans l’imagerie de Shurik’n. Pour bien nous faire comprendre à quel point il est important de pouvoir manger sa faim, il insiste sur les dernières bouchées du condamné à mort. Pour celui qui aime « les proses comme les pates al dente » (Oncle Shu), on comprend alors mieux la signification de phrases telles que « pense à ceux qui vivent au foyer avant de grimacer devant ta purée » sur La Lettre.

« De boîtes de conserve en boîtes de conserve » (Rêves), Shurik’n livre des textes souvent désespérés semblant proposer une logique relativement binaire des choses. Il y a « nous » qui sommes dans le besoin permanent et il y a « vous » qui « nous » mettez constamment des bâtons dans les roues et monopolisez tous les avantages. Shurik’n, s’il a sûrement acquis un niveau de vie relativement confortable avec le temps, se sent membre à part entière de la première catégorie. Cela fait-il écho à une enfance difficile dans laquelle Shurik’n aurait dû se priver ? Sûrement si l’on écoute celui qui semble avoir peur de finir « chaque soir finir dans un deux pièces meublés, lassé par le pain quotidien, marre de cette tranche de vie racie » (Y a pas le choix). Ainsi, sa phrase sur La lettre semble confirmer cette hypothèse : « J’étais pas en guenille non plus mais au goûter y avait pas de pépito ».

Cette liste d’exemple n’est même pas exhaustive. En effet, une bonne vingtaine de références du même acabit pourrait encore être mentionnées. Alors, facilité d’écriture ou véritable angoisse à l’idée de pouvoir un jour ne pas manger à sa faim ?

[Merci à danydaz187 et à nos longues discussions]

Écrit par Mehdi (http://sandwichalomelette.blogspot.com/)


Comme une horloge

19 avril 2008

Alain Robbe-Grillet, « Les Gommes », 1953.

Chapitre Un

« Dans la pénombre de la salle de café le patron dispose les tables et les chaises, les cendriers, les siphons d’eau gazeuse; il est six heures du matin.

Il n’a pas besoin de voir clair, il ne sait même pas ce qu’il fait. Il dort encore. De très anciennes lois règlent le détail de ses gestes, sauvés pour une fois du flottement des intentions humaines; chaque seconde marque un pur mouvement : un pas de côté, la chaise à trente centimètres, trois coups de torchon, demi-tour à droite, deux pas en avant, chaque seconde marque, parfaite, égale, sans bavure. Trente et un. Trente-deux. Trente-trois. Trente-quatre. Trente-cinq. Trente-six. Trente-sept. Chaque seconde à sa place exacte.

Bientôt malheureusement le temps ne sera plus le maître. Enveloppés de leur cerne d’erreur et de doute, les événements de cette journée, si minimes qu’ils puissent être, vont dans quelques instants commencer leur besogne, entamer progressivement l’ordonnance idéale, introduire çà et là, sournoisement, une inversion, un décalage, une confusion, une courbure, pour accomplir peu à peu leur oeuvre : un jour, au début de l’hiver, sans plan, sans direction, incompréhensible et monstrueux.

Mais il est encore trop tôt, la porte de la rue vient à peine d’être déverrouillée, l’unique personnage présent en scène n’a pas encore recouvré son existence propre. II est l’heure où les douze chaises descendent doucement des tables de faux marbre où elles viennent de passer la nuit. Rien de plus. Un bras machinal remet en place le décor.

Quand tout est prêt, la lumière s’allume…

Un gros homme est là debout, le patron, cherchant à se reconnaître au milieu des tables et des chaises. Au-dessus du bar, la longue glace où flotte une image malade, le patron, verdâtre et les traits brouillés, hépatique et gras dans son aquarium.

De l’autre côté, derrière la vitre, le patron encore qui se dissout lentement dans le petit jour de la rue. C’est cette silhouette sans doute qui vient de mettre la salle en ordre; elle n’a plus qu’à disparaître. Dans le miroir tremblote, déjà presque entièrement décomposé, le reflet de ce fantôme; et au-delà, de plus en plus hésitante, la kyrielle indéfinie des ombres : le patron, le patron, le patron… Le Patron, nébuleuse triste, noyé dans son halo.« 

Ecrit par Julien